Interview#13 – Il est Président de …

Pour l’interview d’aujourd’hui, je vous laisse découvrir de ce pas l’homme mystère ! 😉

Vous pouvez écouter l’interview en cliquant sur le podcast, soit la lire 😉

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Pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis Olivier CERF.

Ingénieur agronome, j’ai tout d’abord travaillé 30 ans à l’INRA en technologie des aliments puis en génie des procédés agro-alimentaires. Ensuite, j’ai été recruté par l’École vétérinaire d’Alfort pour enseigner l’hygiène des aliments.

OlivierCERF, Comité biorisques, anses,

(c) Olivier CERF

 

Vous leur enseignez plus précisément quoi en hygiène des aliments ?

On leur apprend ce qu’est une toxi-infection alimentaire collective (TIAC), les bactéries à redouter dans les aliments, mais aussi comment éviter les contaminations par l’intermédiaire des bonnes pratiques d’hygiène ou la mise en place de la méthode HACCP.

 

Lors de quelques petites recherches sur le Net, j’ai vu que vous avez participé à la consultation FAO MS sur la Listeria monocytogenes.

Effectivement, mais vous savez cela a duré 4 jours !

 

Est-ce que cette participation a été difficile ?

D’abord, je tiens à vous redéfinir certains points.

La FAO (Organisation des nations unies pour l’alimentation et de l’agriculture) et l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ont créé ensemble une activité d’analyse de risques.

La Commission du Codex alimentarius, qui émane de la FAO et de l’OMS, prépare des normes et des recommandations  et les publie dans un recueil nommé Codex.

Pour préparer les textes, il y a des comités permanents, rassemblant des représentants des administrations des pays membres et d’organisations non gouvernementales. L’un d’eux est le Comité du Codex pour l’hygiène des aliments (CCFH – Codex Committee on Food Hygiene).

Ce comité, pour ses propres travaux, a une réunion de travail chaque année. J’ai participé à quelques réunions plénières du comité, et surtout à plusieurs groupes de travail qui préparent les documents étudiés en réunions plénières.

 

À un moment donné de son histoire, le CCFH, à la demande de l’OMS, a listé un certain nombre de couple dangers/aliments, où il paraissait prioritaire de faire une appréciation quantitative des risques microbiologiques pour la santé humaine.

La FAO et l’OMS ont donc organisé des consultations d’experts spécialisés en analyse des risques microbiologiques (JEMRA – Joint FAO-WHO Consultations on Microbiological Risk Assessment). Pour chaque couple danger-aliment, un appel à candidature a été publié, des experts ont été sélectionnés, puis ils ont été réunis pendant une semaine, puis réunis à nouveau si nécessaire.

Après une longue période de recherche et de travail, les rapports sont relus par d’autres experts et corrigés s’il le faut, puis ils sont publiés. Ils sont disponibles en plusieurs langues gratuitement sur le site Internet du JEMRA.

Ainsi, sur ce site, il y a de nombreuses publications, dont l’une sur Listera monocytogenes dans les aliments prêts à être consommés. Et c’est lors de cette expertise que j’ai fait partie du premier groupe de travail.

 

Alors comment ça se passe concrètement ?

Et bien, les personnes sont invitées à se présenter à la FAO à Rome le lundi matin.

On leur présente le sujet. Il faut savoir que les gens arrivent avec des travaux préliminaires qui sont utilisés pour la préparation d’un premier rapport.

Des travaux complémentaires sont entrepris par les experts retournés dans leurs pays pour la modélisation mathématique du risque. Dans le cas de Listera monocytogenes dans les aliments prêts à être consommés, ce processus a pris tout de même quatre ans avant la publication du rapport définitif.

Il faut bien réaliser ce qu’est un travail d’expertise. Tout n’est pas connu, il faut donc se mettre d’accord sur ce qui semble être le plus vraisemblable. D’où ce très long travail !

 

Très intéressant comme parcours. Je reviens maintenant sur la période où vous enseigniez. Donc vous êtes professeur et chercheur, c’est bien cela ?

Eh bien là, je précise que je suis à la retraite, cependant toujours en activité. En effet, j’enseigne, mais uniquement au 3ème cycle soit en perfectionnement, soit en formation permanente, par exemple pour un CEAV (Certificat d’étude approfondie vétérinaire). De fait, je n’enseigne plus en formation initiale.

Le CEAV où j’enseigne concerne la gestion de la sécurité et de la qualité des denrées alimentaires.

Y assistent les personnes disposant d’un diplôme d’étude supérieure, des élèves vétérinaires en année de spécialisation, et des vétérinaires libéraux qui veulent par exemple élargir leur clientèle en faisant de la consultance en plus de leurs consultations de santé animale. Des fonctionnaires marocains, des Tunisiens et des Algériens y participent aussi.

 

C’est vrai que j’ai pu remarquer que sur mon blog, il y a de nombreux Marocains, Algériens et Tunisiens aussi qui développaient cette thématique sur la sécurité alimentaire, justement.

Ce n’est pas la sécurité alimentaire, c’est la sécurité des aliments.

 

(Rire) Oui pardon. D’ailleurs je vais bientôt changer l’URL ! (Que j’ai essayé de faire. Cependant, trop de problèmes sont apparus, j’ai donc laissé ainsi mais j’ai modifié le Titre du blog)

Pourriez-vous expliquer aux lecteur du blog, la différence entre « hygiène alimentaire » et « hygiène des aliments » ainsi que pour la sécurité et la salubrité…

Oui cela peut paraître parfaitement inutile, mais on utilise toujours des vocabulaires spécialisés dès qu’on arrive à un certain degré de perfectionnement dans l’enseignement.

Alors l’hygiène alimentaire, c’est quelque chose qui est très ancien, qui est l’affaire des médecins. C’est l’expression qui était usitée avant qu’on connaisse les mots « diététique » ou « nutrition ». Ces disciplines-là ont pris leur envol comme disciplines scientifiques autonomes. Donc l’hygiène alimentaire fait partie de l’hygiène de vie, c’est-à-dire manger ce qu’il faut, faire de l’exercice, manger-bouger. Vous voyez ? C’est ça l’hygiène alimentaire : les aliments doivent être bons pour la santé.

Il s’agit de l’alimentation de l’homme, dans son ensemble, dans un cadre plus général d’hygiène. L’hygiène, c’est tout ce qui tourne autour de la santé de l’homme, étymologiquement.

C’est pour cela qu’on parle d’hygiène publique ou de santé publique, par exemple. C’est à peu près synonyme, hygiène publique et santé publique.

 

En revanche, l’hygiène des aliments a deux aspects : la salubrité (les aliments doivent être acceptables pour la consommation) et la sécurité qui vise la prévention des troubles de la santé provoqués par des aliments impropres à la consommation, tout simplement.

– En anglais, il y a deux mots, un c’est « security », qu’il faudrait traduire en français par « sûreté » et l’autre qui est « safety ». Or, en français, on a utilisé seulement un mot, « sécurité », pour traduire les deux concepts « security » et « safety ». Ce sont deux faux amis.

Effectivement.

Ainsi en français, on parle généralement de sûreté quand on parle des systèmes, quand on s’occupe du bon fonctionnement des systèmes, des ensembles.

Par exemple, la Sûreté nationale, c’est le Ministère de l’intérieur qui veille au bon ordre en France. Le système de la Sûreté nationale s’intéresse à ce chaque citoyen, chaque individu, à son niveau, soit en sécurité. Donc de la même façon, on devrait parler de sûreté alimentaire pour  ce qui concerne l’approvisionnement en quantité et en qualité, mais on dit sécurité alimentaire …

Et la sécurité des aliments c’est veiller à ce que chaque aliment soit sans danger.

Alors pour matérialiser les choses, qui s’intéresse à fournir des aliments en quantité convenable et en qualité convenable à l’homme au plan mondial ? C’est la FAO.

Et qui s’intéresse à la sécurité de l’aliment, veiller à ce que l’aliment ne provoque pas de maladie, c’est l’OMS

 

C’est parfait. Merci

Pouvez-vous nous parler de l’ANSES ?

De l’ANSES, on prononce « annsesse ». C’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Elle résulte de la fusion de l’AFSSA, Agence française de sécuritaire sanitaire des aliments et de l’AFSSET, Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail.

D’accord

Si je souhaite vous en parler, c’est parce que j’observe que très souvent on écrit « l’ANSES a décidé que », or l’ANSES ne décide jamais rien.

 

Mais qui décide, alors ?

Qui décide ? Eh bien ce sont les ministères chargés de la santé publique. Il y a différents aspects de la santé publique, donc les décisions sont prises par exemple par le Ministère de la santé, par le Ministère de l’environnement, ou par le Ministère de l’agriculture.

D’accord, mais l’ANSES oriente quand même ses décisions ?

L’ANSES donne des avis en réponse à des questions.

Elle est obligatoirement consultée pour un certain nombre de textes réglementaires, des arrêtés ou des décrets avant leur parution.

Les ministères consultent également l’ANSES sur diverses questions d’actualité. En outre, l’ANSES fait des travaux qui ne conduisent pas nécessairement à des décisions par les pouvoirs publics, et les publie également sous forme d’avis ou sous forme de rapport de groupe de travail.

Des avis !

Oui, j’ai déjà pu lire de nombreux avis de l’ANSES, notamment un sur l’augmentation de la consommation des aliments crus.

Elle sort des avis tous les jours.

Je ne sais pas le nombre d’avis par an, mais c’est plusieurs centaines, produits par une vingtaine de comités d’experts. Ces comités d’experts à leur tour confient du travail à des rapporteurs ou à des groupes de travail. Au vu du travail des rapporteurs ou des groupes de travail, les comités d’experts publient leur rapport, qui est ensuite transformé soit en avis de l’ANSES avec signature de son directeur général, soit publié sous forme de rapport. Avis et rapports sont mis à la disposition du public sur le site Internet www.anses.fr. Je ne sais pas si vous avez l’occasion de le suivre ?

J’y vais de temps en temps, et c’est vrai que c’est très fourni, très intéressant surtout au niveau des micro-organismes pathogènes. D’ailleurs, je me suis inscrite à un de leur flux RSS sur les avis et les rapports.

Voilà. Alors moi je fais partie du comité d’experts, spécialisé, qui s’appelait jusqu’à présent microbiologie et qui s’appelle dorénavant « Évaluation des risques biologiques dans les aliments », en abrégé « Biorisques » et dont je vais assurer la présidence pendant les trois prochaines années. 

Waouh !!

Donc ce que je souhaite que vous fassiez passer comme message, ça ne présente aucune urgence, mais si l’occasion se présente, essayez de bien faire comprendre à vos lecteurs que l’ANSES ne donne que des avis qui résultent d’une expertise, et je vous ai expliqué que, la plupart du temps, l’expertise demande l’élaboration d’un consensus quand tout n’est pas totalement connu et certain.

Si on pose à l’ANSES des questions dont la réponse est connue, le comité  l’exprime de façon aussi claire que possible pour des gens des ministères qui ont une formation scientifique mais ne sont pas au courant des dernières avancées acquises dans les laboratoires.

Plus souvent on pose des questions dont la réponse n’est pas claire et il faut trouver un accord sur la meilleure manière d’envisager les choses, sachant ce qu’on sait et sachant ce qu’on ne sait pas, vous voyez ?

Tout à fait, oui je comprends…

Donc les réponses ne sont pas toujours absolument blanches ou noires. Il y a des zones grises

Si on fait de la recherche, c’est bien parce que tout n’est pas connu, sinon il n’y aurait pas de chercheur.

Tout à fait !

Voilà donc puisque tout n’est pas connu mais qu’il faut quand même donner une réponse et qu’il faut aider l’administration à prendre des décisions, il faut arriver à des avis.

Jusqu’à présent dans notre comité, que je fréquente depuis qu’il a été créé, il n’y a pas eu d’avis pris contre une minorité. Mais quand il y a des avis minoritaires, des gens qui refusent absolument d’endosser l’avis des autres,ils sont fortement invités à le faire savoir.

 

D’accord. Donc finalement l’ANSES pose des avis mais nous ne sommes pas obligés de les suivre.

Les ministères ne les suivent pas toujours !

Je vais vous donner un exemple que j’ai à cœur : vous savez qu’en France, on trouve de plus en plus de distributeurs automatiques de lait cru. Vous avez déjà vu, ça ?

Oui. Enfin je n’en ai jamais vu, mais j’en ai déjà entendu parler.

L’Italie est très en avance là-dessus et en Italie sur les distributeurs de lait cru, c’est noté « faire bouillir ».

L’ANSES -à l’époque c’était encore l’AFSSA- avait demandé que la même mention figure sur les distributeurs de lait cru : « faire bouillir le lait avant de le consommer ».

Eh bien cet été, un décret est apparu sur l’étiquetage des produits laitiers. Il comporte un paragraphe sur les distributeurs de lait, et il n’est pas demandé de faire apparaître cette mention. Donc les pouvoirs publics ne suivent pas nécessairement les avis de l’ANSES.

Et dans le cas présent, croyez-moi, je le déplore !

 

Parfait, c’est très clair.

Alors une dernière question pour terminer cette interview, vos projets d’avenir, à part celui d’être président du Comité Biorisques, quels sont-ils ? 

Vous savez, trois ans c’est bien comme horizon… 

Alors, je vous disais, après avoir été chercheur, j’ai été enseignant-chercheur, oui. C’est comme ça qu’on appelle les professeurs de l’enseignement supérieur, leur statut officiel est « enseignant-chercheur », parce qu’ils ne se contentent pas d’enseigner, ils font aussi de la recherche.

Donc ça fait partie de leur mission obligatoire, et donc, moi, j’ai continué à faire de la recherche après avoir quitté l’INRA et actuellement je participe à la publication d’articles synthétiques, en plus d’être maintenant Président du Comité Biorisques.

 

Waouh, c’est motivant, moi j’aime ça. Ca doit être très enrichissant comme métier.

En tout cas,  merci pour l’interview que vous m’avez accordée. J’ai personnellement approfondi plusieurs points.

J’espère que pour les lecteurs du blog ça sera également vrai. Merci.

C’est moi qui vous remercie.

 

Alors chez lecteur du blog… avez-vous appris de nouvelles choses ?

 

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