Comme promis il y a deux semaines, je vais vous faire un retour sur les commentaires que j’ai pu avoir concernant la question posée par Frédéric.
Ce dernier souhaitait connaître nos positions concernant la décontamination des fruits rouges en restauration collective.
Je suis très heureuse de partager avec vous l’ensemble des commentaires que j’ai reçus sur le sujet car ils ont été très nombreux ! Alors je vais structurer tout cela, pour vous rendre la lecture plus sympathique 😉
Beaucoup de lecteurs pensent qu’il faut utiliser du vinaigre pour réaliser la décontamination des fruits. Cependant, comme le suggère Stend de BIOriginal et Bourkinou du Restaurant Le Wagon, cela peut avoir un impact sur le goût du fruit.
Lisa d’Escargots du Loir précise d’ailleurs que le vinaigre est un produit chimique (l’acide acétique) mais qu’il a l’avantage d’être comestible.
Céline du CFA10 propose quant à elle d’utiliser du jus de citron ou de l’acide ascorbique (contenu dans les oranges par exemple). Histoire de ne pas dénaturer le goût des fruits (ou des champignons).
Amgar Albert du site Process Alimentaire le blog a une réponse plus élaborée. En effet, il fait référence à une étude scientifique sur la décontamination de baies rouges ou petits fruits rouges. Cette étude dit que le fait de faire bouillir ces fruits contaminés à 100°C pendant 1 minute réduira suffisamment le taux de norovirus. Ainsi, cette technique de décontamination permet de prévenir les possibilités de malaises chez les consommateurs qui ont consommé des baies. (source de 2012).
Gilles du Réseau case me transmettait un message posté enjuillet 2014, sur la « Liste Hygiène » part Bruno PEIFFER.
Ce message disait que le CEPROC avec l’appui du CERVIA avaient réalisé une étude visant à trouver une méthode alternative à l’eau de Javel pour la désinfection des légumes et fruits. Les différents tests ont conduit à une utilisation d’une solution de vinaigre blanc à 8% d’acide acétique diluée à 5% dans de l’eau avec un temps de trempage de 5minutes.
Bruno précisait qu’un simple protocole pour décontaminer les légumes bruts. Il s’était donc adressé au CEPROC et au CERVIA pour connaître le contenu de l’étude (bactéries testées, taux de réduction, le labo est-il accrédité pour les méthodes utilisées ? … ). Mais, il n’a hélas pas eu de réponses de la part du CERVIA . Et concernant le CEPROC, il lui a été adressé comme explication que cette étude ne peut lui être fournie, seul le document du protocole est téléchargeable.
Pour lui, il n’est pas concevable de partir sur des protocoles sans avoir les tenants et aboutissants de l’étude. Ce que je comprends parfaitement, car tout protocole est issu d’une étude réalisée dans des conditions spécifiques et sur des germes eux aussi spécifiques. Il suffit que les conditions en restauration ne correspondent pas à celles de l’étude pour que le protocole soit caduc, du moins son efficacité !
Je vous ai réservé le meilleur pour la fin 😉 Attendez de lire la suite ….
Olivier Cerf qui préside le Comité d’experts spécialisés « Évaluation des risques biologiques dans les aliments (dont j’ai réalisé l’interview) me présentait que l’eau potable avait le même effet décontaminant (assainissant) sur les fruits et les légumes qu’une eau à laquelle on a ajouté un désinfectant, car les produits les plus efficaces ne sont pas présents en restauration.
Waouh…
Comme nous le savons, Olivier Cerf, expert auprès de l’ANSES, donc il s’appuie sur des études scientifiques pour affiner cela.
Faisons un point sur ce qui se passe en restauration.
Il faut savoir que le lavage des fruits/légumes a pour objectif principal de supprimer la terre et les insectes, et un peu les molécules de pesticide s’il y en a.
Il est vrai que dans la restauration commerciale, le lavage des fruits/légumes se fait toujours par un trempage dans de l’eau potable additionnée d’un produit chimique qui permet la décontamination. Comme le stipule le guide des bonnes pratiques d’hygiène du Restaurateur, il est précisé que :
- la salade peut être lavée à l’eau légèrement javellisée à 12°Chl (1 cuillère à café pour 25 litres d’eau) puis rincée abondamment à l’eau claire ou vinaigrée ;
- la cuisson à ébullition des légumes frais ou fruits frais, quand elle est possible, est un moyen supplémentaire de maîtriser les dangers ;
- ou qu’il faut éplucher les légumes ou fruits puis les laver. (Ni plus, ni moins).
Or, d’après l’étude scientifique que m’a remis Olivier (voici l’étude en question si cela vous intéresse), celle-ci précise que le lavage à l’eau potable enlève 90 à 99% des bactéries qui se trouvent en surface.
Attention, Olivier m’expliquait que ces pourcentages peuvent paraître élevés, mais ils ne le sont pas. La charge microbienne étant généralement de l’ordre de dix à cent millions de bactéries par centimètre carré avant lavage, ce dernier la fait descendre – au mieux – entre cent mille et un million de bactéries par centimètre carré. C’est encore beaucoup.
Mais d’après l’étude réalisée, des désinfectants plus efficaces que l’eau ne se trouvent, de façon générale, pas dans la restauration !
De plus, vu que les germes contenus sur les fruits/légumes sont des micro-organismes dépourvus de danger, normalement !
Bref, la « bonne pratique » qu’est de mettre des produits désinfectants (comme l’eau de javel ou le vinaire) dans l’eau potable est de réduire la charge microbienne dans l’eau, de sorte de pourvoir réutiliser celle-ci plusieurs fois et ainsi faire des économies d’eau. C’est tout. Attention, l’eau n’est réutilisable qu’un certain temps !
D’ailleurs, comme nous le faisons à la maison, un bon rinçage à l’eau sous le robinet, directement ou dans une passoire, est suffisant. L’autre manière de faire est de plonger les légumes ou fruits dans l’eau, et d’agiter à la main, puis de recommencer deux fois en changeant l’eau. C’est ce que l’on fait à la maison, et personne n’y trouve à redire !
En conclusion
Pour décontaminer les fruits rouges, utilisez une molécule désinfectante alimentaire qui ne modifiera pas le goût des fruits. Pour cela, vous pouvez utiliser du jus de citron !!! Bravo à Céline du CFA 10 😉
Bonjour, Vrine,
Merci de publier une correction : je n’appartiens pas à l’ANSES, et j’en suis encore moins le président ! Je suis expert « auprès de l’ANSES », et en tant que tel je préside le Comité d’experts spécialisés « Évaluation des risques biologiques dans les aliments ».
Cordialement,
Olivier
Bonjour Olivier…
Milles excuses pour la confusion !
J’ai aussitôt corrigé l’article.
Cordialement,
Séverine
merci!
Bonjour,
C’est bien la première fois que je vois un site grand public s’appuyer sur des études scientifiques pour traiter de l’efficacité (ou inefficacité) du vinaigre blanc et de l’acide citrique, études qui au final montrent que l’eau du robinet est suffisante dans la plupart des cas pour nettoyer fruits et légumes…
Un grand merci pour votre partage et votre travail !
Je viens d’une filière scientifique alors j’aime ça m’appuyer sur des études et recherches 😉 Surtout avec tout ce qu’on peut voir en ce moment à la TV !
Merci à vous 😉
Bonjour Séverine et merci beaucoup Séverine, des années après, vous m’accompagnez toujours fidèlement dans ma carrière d’ingé agro !! mercii
Une question: j’ai vu un étude montrant l’efficacité du nettoyage au bicarbonate qui dépassait même celle de l’eau de javel en ce qui concernait les pesticides. Et si on mélangeait le vinaigre (pour assainir l’eau, j’ai lu votre article sur le vinaigre) et le bicarbonate dans la même, l’effet des deux s’additionnera-t-il ou sera-t-il annulé ?
merci d’avance
Bonjour Christelle,
il faut pour cela le vérifier scientifiquement. Je ne peux vous donner la réponse. Seule une étude scientifique le pourra. Il n’y a plus qu’à faire une recherche dans ce sens 😉